Voici l’allocution présentée par Michael Binnion, Président de l’APGQ le 23 mai dernier devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Notez que la version telle que prononcée fait foi.
Bonjour à tous,
C’est un honneur d’être parmi vous pour exprimer la vision de l’APGQ sur comment nous pouvons, tous ensemble, créer une nouvelle industrie florissante au Québec. Je tiens à remercier les organisateurs pour cette invitation et toutes les personnes ici présentes.
Cela fait déjà 5 ans que l’Association pétrolière et gazière du Québec a été créée pour encourager le dialogue sur le développement de l’industrie au Québec.
L’APGQ représente quatorze membres réguliers, associés et affiliés qui ont tous à cœur le développement sécuritaire de l’industrie des hydrocarbures.
L’Association veut se positionner comme une source d’information et cela en travaillant de façon ouverte et en collaborant avec les différents intervenants.
Introduction
Je suis ici aujourd’hui pour vous expliquer comment le Québec peut créer une nouvelle industrie.
Mais avant cela, je vais expliquer pourquoi l’industrie n’a pas encore réussi au Québec.
L’industrie au Québec…
Ma compagnie a foré son premier puits au Québec en 1989. A cette époque, plusieurs générations d’experts prétendaient que le Québec n’avait pas de pétrole, ni de gaz sur ses terres. Cela a été une immense fierté pour moi et plusieurs membres de l’Association lorsque nous avons prouvé la présence de ressources en hydrocarbure sur le territoire du Québec. Il nous a fallu travailler très fort pour accomplir ce qui semblait impossible.
Je me souviens d’avoir pensé que tout le monde serait très intéressé par la découverte de gaz naturel. J’avais raison. Parce qu’aux rencontres publiques de l’industrie en 2010, il y avait beaucoup des personnes qui étaient très intéressés… mais pas comme je pensais. En fait, ils voulaient un moratoire.
Pour expliquer ce qui se passe avec notre industrie, je vais vous raconter une courte histoire.
Un homme conduit sa voiture dans une route de campagne. Il aperçoit au loin, un poulet qui court dans le chemin. L’homme roule à 50 km/h et il voit le poulet courir plus vite. Il accélère à 70 et puis à 100 et il ne peut pas rattraper le poulet. Le poulet se dirige vers une ferme. L’homme le suit et aperçoit le fermier.
Il lui dit, ‘vous allez probablement croire que je suis fou, mais j’ai suivi un poulet jusqu’ici. Il courrait sur la route et je roulais à 100km/h et je n’étais pas capable de le rattraper ‘.
Le fermier répond : ‘Oui je sais, il a trois pattes’.
‘Trois pattes’, dit l’homme. ‘Comment ça trois pattes?’
Le fermier dit ‘je l’ai créé de cette façon. Quand notre enfant est arrivé, on voulait que les trois membres de notre famille aient chacun une cuisse pour le repas. J’ai donc créé des poulets à trois pattes pour avoir le poulet parfait pour un souper parfait pour les trois membres de ma famille’.
L’homme, intrigué, demande au fermier : ‘Qu’est-ce que ça goûte?’
Le fermier répond : ‘Je ne sais pas, je ne suis pas capable de les attraper’.
Comme le fermier, l’industrie a découvert le projet parfait à l’endroit parfait. Un projet aussi à trois pattes, qui peut aider l’économie, aider les communautés locales et en même temps aider à améliorer l’environnement. Un projet qui peut être bénéfique pour ces trois piliers de notre société. Ce n’est pas commun.
Mais comme le fermier, on n’était pas capable de l’attraper. Plus on voulait aller rapidement de l’avant, plus la population soupçonnait qu’on cachait quelque chose.
On est des spécialistes de l’exploration et nous n’avons pas vu au-delà de notre rêve de trouver des hydrocarbures au Québec. Nous étions concentrés sur nos défis techniques et on n’a pas vu la réalité.
La réalité c’était qu’après plus de vingt ans d’exploration notre découverte n’était pas le bout de la ligne comme on pensait. C’était vraiment le début de notre travail.
Aujourd’hui, l’APGQ le comprend et désire prendre le temps qu’il faut pour développer l’industrie avec tous et pour le bénéfice de tous.
Respecter le processus du Québec
Comme le livre Wisdom of Crowds a dit, « le public avais raison et nous, comme experts, nous avions tort ». C’était bien de prendre le temps pour étudier l’industrie et la technologie. Et aussi, c’est clair que le gouvernement n’avait pas l’expertise il y a quatre ans pour la règlementation d’une nouvelle industrie.
Actuellement, l’APGQ veut établir une relation constructive et respectueuse avec tous les intervenants de ce débat.
Nous voulons prendre part aux discussions sur les enjeux énergétiques du Québec. On veut collaborer au BAPE sur le gaz naturel de schiste dans les Basses-Terres du Saint-Laurent et participer à toutes les discussions constructives sur le sujet afin que tous les Québécois aient une bonne vue d’ensemble et puissent faire les meilleurs choix énergétiques pour l’avenir.
Notre association supporte le processus du BAPE et nous n’avons pas l’intention de demander la permission d’aller de l’avant avec la production avant que ce processus soit complété.
Depuis février, c’est possible de consulter le rapport de l’évaluation environnementale stratégique sur le gaz naturel de schiste basé sur plus de 70 études, toutes faites au Québec par des Québécois. Même s’il existe plusieurs études approfondies en Amérique, cette initiative est une première de ce genre au Canada.
Cette évaluation confirme ce qu’on vous dit depuis trois ans. En respectant les plus hautes normes de notre industrie, on peut accomplir nos activités en toute sécurité pour la société et pour l’environnement.
Il est maintenant le temps de discuter du rapport et de la possibilité de créer une nouvelle industrie au Québec. Une industrie de production. Le BAPE est le meilleur instrument de consultation sur notre industrie.
Mais avant, permettez-moi de vous donner certaines conclusions de l’évaluation.
Étude E3-10 faite par l’UQAM et l’Universite Laval
Cette étude détruit le mythe qui disait que le gaz naturel et le fluide de fracturation pouvait migrer d’un kilomètre de profondeur vers les nappes phréatiques de surface, à travers des failles ou des fractures naturelles.
Les auteurs en concluent que « la fracturation hydraulique du shale d’Utica ne pourrait pas causer une migration significative de fluides et de méthane le long d’une faille ou de fractures naturelles vers les aquifères de surface dans un horizon de 1000 ans ».
Étude E3-2a faites par le Ministère de l’environnement et JP Lacoursière Incorpore
Cette étude porte sur les fuites de gaz observe sur 18 puits forés au Québec. Selon les auteurs, « les débits actuellement mesurés sur les puits de gaz de schiste sont presque nuls ». De son côté, le comité d’évaluation constate que « les inspections et les travaux de surveillance indiquent que les fuites sont généralement très faibles ».
L’étude précise également que 306 inspections ont été effectuées par les inspecteurs du Ministère de l’Environnement qui n’ont pas constaté de fuites de fluide de fracturation ou de boues de forage, ni de déversement de ces matières pendant leur manipulation ou transport.
Étude E3-9 faites par l’UQAM et l’Université Laval
L’étude, qui a été réalisée dans un secteur d’une superficie de 14 000 km2 situé au cœur de la zone d’intérêt pour le gaz naturel de schiste, confirme que 90 % des puits d’eau testés contiennent naturellement du méthane.
Les chercheurs n’ont observé aucune relation entre la présence, la nature ou la concentration du gaz dans l’eau et les puits d’exploration de gaz naturel de schiste.
Étude S2-7 faites par le ministère de l’environnement
Les auteurs de cette étude sur les impacts sociaux concluent que « bien que les activités associées au développement d’une industrie du gaz de schiste génèrent des nuisances, il existe des solutions pour atténuer celles-ci ».
Constats du Comité d’évaluation
• Les composés les plus fréquemment utilisés dans la fracturation hydraulique au Québec se sont révélés pour la plupart, relativement peu toxiques, non bio-accumulables et fortement dégradables, et ce, contrairement aux affirmations d’un grand nombre d’intervenants.
• La quantité d’eau de surface disponible est grandement suffisante pour répondre aux besoins de l’industrie du gaz naturel de schiste sans impacts négatifs sur les écosystèmes ou les autres utilisateurs de sources d’eau potable
• L’étude a trouvé que le développement du gaz naturel de schiste local est négatif sur le bilan de gaz à effet de serre du Québec. Mais le rapport n’a pas inclus la diminution de gaz effet de serre à l’extérieur du Québec. Une étude de SNC Lavalin a trouvé que l’impact sur le bilan partout en Amérique du Nord équivaut à une diminution de plus de 40%.
L’évaluation démontre pourquoi l’industrie pense que notre projet est bon pour les trois piliers de notre société.
Mais l’étude ne remet pas en cause le mythe que le pétrole et le gaz ne sont pas bons pour les régions rurales. La réalité, c’est que le pétrole et le gaz constituent vraiment la meilleure récolte pour les agriculteurs. Le fermier a quelques semaines de petits désagréments pour vingt ou trente ans de revenu et de tranquillité. Aussi, les infrastructures sont déjà là et nos impôts payent leur entretien. En plus, cela crée des emplois dans les communautés.
Pour démontrer cette réalité, l’Association québécoise des fournisseurs de services organisera une troisième édition de sa tournée des agriculteurs le 21 juillet prochain. Lors des éditions précédentes, les participants étaient grandement surpris du faible impact de l’industrie sur les activités agricoles et sur la communauté. Vous savez, pour l’œil non averti, il est très difficile de voir nos installations de production sur les fermes.
Le vrai débat
Je représente l’industrie du pétrole et du gaz. C’est évident pour nous qu’une diète énergétique mieux équilibrée pour la société québécoise doit inclure l’hydroélectricité, l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et les nouvelles technologies. Mais naturellement, nous sommes aussi en faveur de l’utilisation des hydrocarbures.
Cet hiver le Québec n’a pas eu un approvisionnement sécuritaire de gaz naturel. Les consommateurs industriels ont dû payer plus de $40 par mille pieds cubes. Aujourd’hui, le prix est comme toujours plus élevé en comparaison des États-Unis ou de l’Ouest du Canada. Le prix de gaz naturel au Québec n’est donc pas un problème pour assurer la rentabilité de son exploitation.
Dans une province riche en ressources comme le Québec, ce n’est pas logique de s’appuyer sur les hydrocarbures étrangers.
La décision cruciale pour les prochaines décennies, c’est l’importation ou la production locale.
En continuant l’importation, le Québec :
- Exporte ses emplois;
- Exporte ses taxes;
- Exporte son argent ;
- Exporte son contrôle sur les impacts environnementaux
- Et aussi, exporte ses émissions dues au transport.
Le débat ce n’est pas de savoir si c’est logique de faire plus d’exploration comme on l’a fait depuis 20 ans. C’est évident on doit chercher si on veut faire des découvertes. Ce n’est pas un hobby, c’est notre travail. Nous sommes avant tout une industrie de production.
Aujourd’hui, en 2014, l’APGQ croit que le vrai débat au Québec c’est comment et quand les découvertes d’hydrocarbures vont être produites.
Comment créer l’industrie des hydrocarbures au Québec
Avant tout, nous croyons que notre industrie doit se développer étape par étape. Certaines étapes ont déjà été accomplies au Québec, mais cette fois-ci, nous voulons prendre le temps. On veut un succès!
Il y a dix étapes qui, selon moi, sont nécessaires pour créer l’industrie des hydrocarbures
1) Comprendre les bénéfices des hydrocarbures pour la société.
2) Développer une expertise et une réglementation dans le domaine des hydrocarbures
3) Définir les règles du jeu.
4) Attirer les compagnies et les investisseurs à explorer les hydrocarbures.
5) Faire une découverte.
6) Effectuer des études sur les impacts locaux et effectuer des consultations.
7) Exploiter avec succès la première découverte par.
a) l’établissement d’une industrie de services locale et
b) la mise en place d’infrastructures
8) Utilisation des revenus de l’exploitation pour bâtir notre société.
9) Attirer d’avantage de compagnies et d’investisseurs.
10) Avec le capital et l’expérience, il est donc possible de répéter l’étape 5 et faire d’autres découvertes.
Pour réussir, on doit être dans une boucle qui répète les étapes 5 à 10. Malheureusement, on est dans une boucle qui répète continuellement les étapes 1 à 5. Comment peut-on avancer après l’étape 5 qui est de faire une découverte ?
Projet de démonstration
Le Québec est dans un ‘catch 22’. On ne peut pas produire, sauf si c’est sécuritaire. On ne peut pas prouver que c’est sécuritaire sans production.
Nous pensons que la solution est que l’industrie travaille en collaboration avec le gouvernement et la communauté sur son projet de démonstration de production.
L’objectif de ce projet de démonstration est de permettre aux citoyens, aux communautés locales, aux autorités gouvernementales et aux investisseurs d’évaluer globalement et concrètement les conditions dans lesquelles le Québec pourraient créer une industrie florissante.
Mais on doit réaliser que ça ne va pas être simple. Les trois dernières années n’ont pas été bonnes pour les investisseurs. Plusieurs compagnies ont eu des problèmes de financement. Tous les investisseurs dans le domaine ont perdu leur argent.
Cela va être difficile de convaincre les marchés à Londres, New York, Toronto et Oslo d’investir une autre fois. Ils ont déjà vu le film et ils pensent qu’ils connaissent la fin.
Le gouvernement doit aider à recréer la confiance. Si un projet de démonstration réussi, peut-être que les investisseurs vont changer leur vision.
Conclusion
Chez moi j’ai un tableau représentant un coureur des bois. Il a été peint près d’ici, en mille huit cent soixante-sept, par l’artiste Frances Anne Hopkins. Je me demande souvent qu’est-ce que ce coureur des bois penserait de ce qui se passe dans notre industrie maintenant au Québec.
Pendant quatre cents ans, l’histoire du Canada s’est construite d’est en ouest. Cadillac, Franchère, Père Lacombe et les coureurs des bois sont vraiment les premiers entrepreneurs du Canada. Ils ont apporté l’expertise et le financement à partir de l’est du pays pour le développement de l’ouest canadien.
Cette histoire est l’héritage qui appartient aux Québécois. Le gaz naturel et le pétrole de schiste sont aussi un héritage qui appartient aux Québécois.
Aujourd’hui, les pionniers du gaz et du pétrole de l’Ouest du Canada veulent collaborer encore avec les Québécois. Ils veulent développer ces ressources dans les meilleures conditions et dans le respect total de l’environnement. L’acceptabilité sociale est au cœur de notre engagement.
Maintenant, on peut changer la direction de l’histoire du Canada.
Maintenant, il est temps pour le Québec de profiter de son héritage.
Merci beaucoup pour votre attention.